Synopsis

Au travers d'un vécu et d'une histoire familiale personnels, ce blog relate les nombreuses difficultés pratiques et barrières juridiques dressées par l'État polonais afin d'empêcher, contrairement à ses engagements internationaux, toute restitution ou indemnisation des biens immobiliers ayant appartenu aux familles de victimes des persécutions nazies (ghetto et génocide), et dont la spoliation instituée par le régime communiste n'en finit pas (la photo ci-dessus, prise en juin 2014, représente l'immeuble familial spolié, situé au centre de Lódz, à l'angle des rues Prezydenta Gabriela Narutowicza 14 et Wschodnia 69).

02 juillet 2014

Le petit tour du propriétaire

Les façades extérieures témoignent d'une absence complète d'entretien, à l'exception des balcons d'angle qui de toute évidence ont été rénovés, ce qui peut surprendre compte tenu du fait que, selon mon interprète, l'immeuble serait communautaire et géré par la ville de Lódz.


Ornements de façade du deuxième étage

Qu'est ce qui justifierait qu'une rénovation partielle ait pu se produire ?

La réponse à cette question ne se fait pas attendre puisqu'en observant le balcon du troisième étage on peut lire sur une banderole de couleur jaune le mot "SPRZEDAM" qui signifie "À VENDRE".


Photo prise le 2 juillet 2014

De toute évidence, depuis la chute du communisme, les polonais n'ont pas perdu de temps pour changer de paradigme  et comprendre tout l'intérêt "capitalistique"qu'il y avait à investir dans l'immobilier.

Pour un immeuble dont ma famille fut spoliée par l'État polonais et son communisme, il est pour le moins surprenant, voire choquant que ce même État, représenté par la ville de Lódz, se soit enrichi aujourd'hui en créant de la propriété par étage et la privatisant par la vente d'appartement à des particuliers.


En soi, cette privatisation juridique de la propriété rend quasiment impossible une restitution de l'immeuble aux familles spoliées.

L'offre de vente de l'appartement étant trop tentante, je me suis fait passé pour un acheteur potentiel (quelle ironie du sort) afin de visiter son intérieur, non sans une certaine émotion, car compte tenu de sa situation privilégiée, je ne peux m'empêcher de penser qu'il put être habité 75 ans plus tôt par mes grands-parents.

Cette visite m'apprit que le propriétaire actuel l'avait acheté en 2006 et qu'aujourd'hui il acceptait de s'en défaire pour le prix approximatif de 400'000 zlotys, soit environ 100'000 € pour 85 m2 de surface. L'intérieur avait été rénové et modernisé, notamment la cuisine et les toilettes. Les boiseries avaient été conservées, mais entretenues. Le vieux chauffage au poêle était toujours présent.

Une fois sorti de l'appartement, la cage d'escalier et les lieux communs sont en piteux état.

À noter que si vous souhaitez connaître l'identité des habitants d'un immeuble, comme vous pourriez le faire par digicode ou boîte aux lettres chez nous, la coutume en Pologne est de ne donner aux portes des allées d'immeubles aucune identité sur les résidents, excepté les commerces, mais cela va de soi. Mon interprète n'a su m'expliquer pour quelles raisons c'était ainsi, mais je ne peux m'empêcher d'y voir l'expression d'une gêne ou d'un inconscient collectif embarrassé par sa propre histoire et n'assumant pas complètement son passé.


"Wybierz" signifie Choisir

Dès lors, hormis une entreprise de boucherie (Mieso-Wedliny), une galerie d'art (Galeria Rynek Sztuki) et un coiffeur, il n'est pas possible de connaître l'identité des habitants de l'immeuble, ni à quel titre il s'y trouve, soit en tant que locataire ou propriétaire.