Synopsis

Au travers d'un vécu et d'une histoire familiale personnels, ce blog relate les nombreuses difficultés pratiques et barrières juridiques dressées par l'État polonais afin d'empêcher, contrairement à ses engagements internationaux, toute restitution ou indemnisation des biens immobiliers ayant appartenu aux familles de victimes des persécutions nazies (ghetto et génocide), et dont la spoliation instituée par le régime communiste n'en finit pas (la photo ci-dessus, prise en juin 2014, représente l'immeuble familial spolié, situé au centre de Lódz, à l'angle des rues Prezydenta Gabriela Narutowicza 14 et Wschodnia 69).

07 septembre 2014

Classé monument historique

De retour à Genève, j'entreprends de trouver une étude d'avocat qui pourra représenter les intérêts de ma famille auprès des autorités et faire valoir ses droits.

C'est alors que mon interprète me communique la parution d'un article dans le journal Dziennik Lodzki rédigé par Wieslaw Pierzchala sur l'immeuble de mes grands-parents, son histoire depuis sa construction à la fin du XIX siècle et la décision récente des autorités polonaises de protéger ce patrimoine et de classer l'immeuble au registre des monuments.

En résumé, l'article reconnaît l'élégance architecturale de l'immeuble bien connu des habitants de Lódz qui ont l'habitude de se rendre dans la boucherie Mieso-Wedliny située au rez-de-chaussée, ainsi que dans la galerie d'art, Galeria Rynek Sztuki, qui occupe les étages supérieurs. L'article évoque certains propriétaire historiques, mais ne fait pas mention de mes grands-parents, se contentant de dire succinctement que la propriété avait été reprise par le Trésor public polonais après la seconde guerre mondiale.

Selon mon interprète, une telle décision de classement doit permettre d'obtenir plus facilement des fonds publics en vue de rénover le bâtiment.

De telles circonstances m'imposent d'agir rapidement : d'abord en mandatant une étude d'avocat afin de prouver l'expropriation illicite et la spoliation qui résulte de cette situation.

Ensuite, il m'apparaît que l'histoire de ma famille et la publicité soudaine faite à cet immeuble par cet article de presse et sur internet justifie l'exercice d'un droit de réponse dans le journal Dziennik Lodzki que jusqu'à ce jour je n'ai pas encore obtenu.

Le contenu de ce droit de réponse est le suivant :

J'ai lu attentivement votre article paru le 7 septembre 2014 sur le classement dans le registre des monuments de l'immeuble situé à l'ange ouest  des rues Prezydenta Gabriela Narutowicz 14 - Wschodnia 69.
Vous évoquez les divers propriétaires  de l'immeuble qui se sont succédez depuis la fin du XIX siècle jusqu'à sa nationalisation par le Trésor polonais après la seconde guerre mondiale.

Néanmoins, votre article omet de mentionner que la propriété actuelle de cet  immeuble est le fruit d'une spoliation qui trouve son origine dans l'occupation nazie, puis dans l'instauration d'un régime communiste pendant près d'un demi-siècle.

En effet, cet immeuble appartenait à mes grands parents Sonia et Hersz Lubicz qui l'ont acheté peu de temps avant l'éclatement de la seconde guerre mondiale.

Mes grands parents étaient juifs et, en raison des persécutions nazies, ont tout abandonné et quitté la Pologne pour se rendre à Trieste, puis finalement en Palestine.

Lorsque le communisme s'est implanté en Pologne en 1945, ma famille n'avait aucun moyen de récupérer son bien, ni même de se rendre en Pologne.

À la chute du communisme, mon père Willy Lubicz a entrepris des démarches dès 1992 auprès de l'État polonais en vue de récupérer sa nationalité polonaise afin qu'on l'autorise à revenir en Pologne et lui permettre de revendiquer sa propriété. Les autorités polonaises lui ont toujours refusé ce droit jusqu'à sa mort en 2000, bien qu'il fut polonais et naquit à Lódz.

Aujourd'hui, c'est à moi qu'il revient de continuer cette mission, avant tout  pour sauvegarder la mémoire de mes grands-parents et restaurer dignement  l'histoire de la ville de Lódz.

Cet immeuble, de par son architecture et sa prestance au cœur de la ville, mérite ce classement de monument historique.

Néanmoins, il est honteux et douloureux de constater que l'État polonais (membre de la communauté européenne) qui promeut depuis une vingtaine d'années l'économie de marché et la privatisation foncière, ne fasse aucun effort pour indemniser équitablement les familles des victimes spoliées et expropriées par un demi-siècle de communisme.

Je vous remercie par avance de me permettre d'exercer ce droit de réponse et de communiquer à vos lecteurs ces  précisions importantes sur l'histoire de cet immeuble.